Protection des données : qui en est responsable ?

Un chiffre brut, une réalité tenace : en 2023, la CNIL a reçu plus de 6 000 notifications de violations de données. La protection des données personnelles n’est plus un exercice théorique réservé aux juristes ou informaticiens, mais un défi quotidien pour chaque entreprise, association, collectivité et prestataire. Derrière chaque fuite, chaque incident, des responsabilités s’enclenchent et les conséquences ne se discutent pas. Voici qui doit rendre des comptes et pourquoi.

En cas de violation de données personnelles, la loi impose des obligations distinctes selon la fonction exercée : responsable du traitement ou sous-traitant. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) distingue clairement les missions et les devoirs de chacun, avec des conséquences juridiques précises en cas de manquement.

Certains organismes ignorent encore que la simple utilisation d’un prestataire externe ne les décharge pas de toute responsabilité. Les relations contractuelles, loin de tout transfert automatique de responsabilité, obéissent à des règles strictes et encadrées par des textes européens et nationaux.

La protection des données personnelles, un enjeu de société

La protection des données personnelles s’est imposée comme un socle du droit moderne. Concrètement, chaque donnée à caractère personnel, un nom, une adresse email, un numéro de sécurité sociale, une donnée biométrique, trace le portrait d’un individu, parfois jusque dans ses détails les plus intimes. Le RGPD ne laisse aucun doute : toute information liée à une personne physique identifiée ou identifiable est concernée.

La moindre opération sur ces éléments, collecte, enregistrement, conservation, modification, consultation, utilisation, suppression, constitue un traitement de données. Ce traitement ne se fait ni à la légère, ni sans raison. Il doit répondre à un objectif précis, s’appuyer sur une base légale, et rester sous le regard vigilant des personnes dont il façonne la vie numérique, celles que le texte européen désigne comme personnes concernées.

Voici les droits qui accompagnent chaque personne face à la collecte et au traitement de ses données :

  • Droit d’accès
  • Droit de rectification
  • Droit d’opposition
  • Droit à l’effacement
  • Droit à la portabilité
  • Droit à la limitation du traitement
  • Droit au déréférencement
  • Droit de recours et réparation

Ce socle de droits des personnes protège la vie privée dans un contexte où les usages numériques prolifèrent. Les exemples ne manquent pas : l’affaire Seiko, la fuite concernant 10 millions de demandeurs d’emploi chez Majorel/Pôle Emploi, ou la divulgation accidentelle de données chez Microsoft. Autant de signaux : la protection des données personnelles s’impose aujourd’hui à tous comme un sujet de société, qui dépasse le cercle des spécialistes.

Qui sont les acteurs responsables du traitement des données ?

Derrière chaque traitement de données, une chaîne de responsabilités se met en place. Le responsable de traitement joue le rôle central. C’est lui qui décide des objectifs et des moyens. Qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une association, d’une collectivité, d’une autorité publique, ou d’une personne physique, la mission ne change pas : informer les personnes concernées, sécuriser les données, notifier la CNIL en cas d’incident. La liste des obligations est longue et précise.

Le sous-traitant, lui, intervient sur instruction du responsable. Il traite les données sans jamais choisir, seul, la finalité du traitement. Mais sa mission ne s’arrête pas là : il doit garantir la confidentialité, signaler immédiatement tout incident et prouver sa conformité. Un contrat vient encadrer cette relation et préciser, noir sur blanc, le partage des rôles.

Les partenariats entre organisations conduisent parfois à une situation de co-responsabilité, lorsque plusieurs entités déterminent ensemble les finalités et moyens du traitement. Dans ce cas, un accord écrit fixe les règles du jeu et la transparence demeure un impératif, notamment lorsque des bases de données sont partagées.

Au sein d’une entreprise, c’est l’employeur qui gère les données des salariés. Ces derniers n’en sont pas dépossédés pour autant : ils conservent leurs droits d’accès, de rectification, d’opposition ou d’effacement. Le délégué à la protection des données (DPO), souvent discret mais indispensable, conseille, sensibilise, surveille la conformité. Quant à la CNIL, elle reste le vigile du système, capable de sanctionner mais aussi d’accompagner les acteurs dans leurs démarches.

Responsable du traitement et sous-traitant : rôles et obligations expliqués

Le responsable du traitement donne le cap. Il choisit pourquoi et comment les données seront utilisées. Ce rôle peut être endossé par une entreprise, une association, une collectivité, une autorité publique, ou même une personne physique, selon le contexte. À ce titre, il doit informer les personnes concernées, respecter le RGPD, et mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles robustes. La notification à la CNIL d’une violation, la documentation des traitements, la sécurité des bases de données : autant de missions qui ne tolèrent ni approximation ni retard.

Le sous-traitant intervient sur demande. Ses marges de manœuvre sont limitées. Il doit sécuriser les données, signaler immédiatement tout incident, prouver sa conformité, et signer un contrat précis avec le responsable du traitement, comme l’exige le RGPD. Une même entreprise peut d’ailleurs occuper, selon les cas, les deux positions à la fois : responsable pour certaines données, sous-traitant pour d’autres.

La collaboration entre responsable et sous-traitant repose sur des engagements formalisés :

  • déploiement de mesures de sécurité adaptées,
  • notification sans délai en cas de violation,
  • documentation systématique des opérations,
  • respect effectif des droits des personnes concernées.

Dans certaines situations, une analyse d’impact (AIPD/PIA) s’impose, notamment lorsque le traitement présente un risque élevé pour les droits et libertés des personnes. Cette démarche vise à anticiper les risques et à renforcer les dispositifs de protection.

La notion de propriété des données n’existe pas dans le droit français. Ce sont les bases de données, en tant qu’ensemble organisé, qui peuvent être protégées juridiquement. La personne concernée, quant à elle, exerce un ensemble de droits sur ses propres données.

Mains tapant sur un clavier avec hologrammes de sécurité

Le cadre juridique qui encadre la responsabilité en matière de données

Depuis le 25 mai 2018, le RGPD a redessiné le paysage de la protection des données à caractère personnel dans toute l’Union européenne. Harmonisation des pratiques, extension à toutes les organisations qui traitent les données de résidents européens, qu’elles soient à Paris ou à San Francisco, : le règlement joue à guichet unique, sans frontières.

La CNIL veille à la conformité, sanctionne les écarts, mais propose aussi des outils concrets pour accompagner entreprises et collectivités. En cas d’incident, la notification à la CNIL doit intervenir dans les 72 heures. Les sanctions sont désormais dissuasives : jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial. La réalité est tangible : Microsoft, Google, Criteo ont tous été épinglés ces dernières années.

Quelques exemples de sanctions récentes illustrent la fermeté des autorités :

  • CRITEO : 40 millions d’euros (2023)
  • Microsoft : 60 millions d’euros (2022)
  • Groupe Canal+ : 600 000 euros (2023)

Une violation de données ne se limite pas à un simple piratage. Il peut s’agir de la destruction, de la perte, de l’altération ou de la divulgation non autorisée de données personnelles. Les cyberattaques et les fuites ne cessent de se multiplier : Seiko, Majorel/Pôle Emploi, Microsoft, la liste s’allonge. La CNIL exige que chaque incident soit documenté, traité rapidement, et communiqué aux personnes concernées avec la plus grande clarté.

La Loi Informatique et Libertés, révisée en 2018, complète le RGPD avec un accent français sur la protection active de la vie privée. Guides pratiques, autodiagnostics comme EvalRGPD : les outils ne manquent pas pour permettre aux responsables de se repérer dans l’épaisseur réglementaire.

À l’heure où les données circulent à grande vitesse, les responsabilités ne se diluent pas. Rester vigilant, c’est tenir la promesse d’une société où la confiance numérique ne se négocie pas, mais s’exige, chaque jour, face à la tentation de la facilité ou de l’oubli.